Le plan d’action pour la démocratie européenne.

Comité économique et social européen. 17 Mars 2021.

Le plan d’action pour la démocratie européenne: plus que nécessaire, attendu depuis longtemps mais pas assez vaste (1).

Conçu pour donner aux citoyens les moyens d’agir et construire des démocraties plus résilientes dans l’ensemble de l’UE, le plan d’action pour la démocratie européenne est salué par beaucoup comme une avancée opportune dans la bonne direction. Toutefois, une audition du Comité économique et social européen  (CESE) révèle que le plan suscite des inquiétudes car il ne va pas assez loin dans ses ambitions.

 

1.Le 17 mars 2021, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une audition sur le plan d’action pour la démocratie européenne afin de recueillir le point de vue d’autres institutions et des acteurs concernés et enrichir l’avis qu’il prépare en tant que contribution de la société civile au débat sur ce sujet.

La montée du populisme et les attaques contre l’espace civique et la liberté des médias sont autant de signes prouvant que la démocratie ne peut être considérée comme acquise. Cette situation a encore été exacerbée par la pandémie de COVID-19. Le présent plan d’action est absolument nécessaire et nous voulons connaître le point de vue des institutions européennes, des partenaires sociaux et de la société civile sur ce sujet majeur, a déclaré Carlos Manuel Trindade, rapporteur de l’avis du CESE, dans ses observations préliminaires.

Différentes parties prenantes travailleront ensemble sur le plan d’action pour la démocratie européenne et le mettront en œuvre. En organisant cette audition, nous voulons toutes les entendre et faire de notre avis un authentique exercice européen commun, a déclaré le corapporteur Andris Gobinš.

Le plan d’action a été présenté par la Commission européenne en décembre, en réponse à l’érosion croissante de la démocratie en Europe. Il prévoit un certain nombre de mesures qui s’articulent autour de trois principaux piliers: renforcer la démocratie par la promotion d’élections libres et justes et le soutien à la participation citoyenne; protéger l’indépendance et la liberté des médias; et lutter contre la désinformation.

Présentant le plan d’action pour la démocratie européenne lors de l’audition, Julien Mousnier, de la Commission européenne, a souligné que bon nombre des menaces auxquelles il fait face évoluent rapidement et a souligné l’importance des mécanismes de surveillance pour vérifier si les mesures produisent l’effet souhaité. Le plan sera progressivement mis en œuvre d’ici 2023, date à laquelle la situation devrait s’être améliorée avant les prochaines élections européennes.

Carla Grijó, du ministère portugais des affaires étrangères, a confirmé l’engagement de la présidence portugaise de l’UE à soutenir le plan et a souligné que sa mise en œuvre nécessitait des efforts conjoints de la part des États membres et des institutions de l’UE, dans le plein respect de la répartition des compétences prévue par les traités.

Toutefois, d’autres participants à l’audition, après s’être félicités de l’adoption du plan d’action, ont déclaré que ce dernier pu être plus ambitieux et aborder certaines questions essentielles qui sont indispensables pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie, telles que la démocratie au travail et le dialogue structuré avec la société civile.

2.La participation structurée de la société civile. Un antidote au populisme et à la désinformation.

Pour Alexandrina Najmowicz du Forum civique européen, l’engagement des citoyens dans les processus démocratiques est un élément majeur qui fait défaut au plan d’action pour la démocratie européenne.

Nous avons vu dans ce plan d’action une excellente occasion de donner de la place aux citoyens, mais où sont-ils?, a-t-elle demandé.

Le droit des citoyens de participer à la vie de l’Union est consacré par les traités, tout comme l’obligation pour les institutions de l’UE de maintenir un dialogue actif avec leurs associations représentatives.

Pourtant, malgré les progrès considérables accomplis par la société civile depuis les années 1980 pour s’organiser à la fois au niveau national et transnational, ainsi que dans tous les secteurs, et pour faire entendre la voix des citoyens dans les politiques de l’UE, il est toujours regrettable que nous devions consacrer beaucoup de temps et d’énergie à prouver à toutes les institutions que nous ne sommes pas des fantômes, que nous existons et que nous pouvons être une ressource précieuse, a-t-elle déclaré.

La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui offre enfin un espace à la société civile, suscite désormais beaucoup d’espoir.

Carlo Ruzza, professeur de sociologie politique à l’université de Trente, a déclaré qu’une participation structurée de la société civile au niveau de l’UE était nécessaire pour approfondir et améliorer le fonctionnement de la démocratie européenne.

Les institutions de l’UE ont besoin que la société civile s’oppose au virage populiste de la politique européenne. Par exemple, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle essentiel dans la lutte contre les théories du complot, étant donné que les personnes qui les diffusent n’ont souvent accès qu’à un seul type de médias sociaux et sont émotionnellement liées uniquement à leur communauté, a-t-il déclaré, ajoutant que les organisations de la société civile peuvent remédier à cette situation grâce à des actions de sensibilisation fondées sur des faits.

Aleksandra Dulkiewicz, maire de Gdańsk, qui travaille sur l’avis que consacre le Comité européen des régions au plan d’action pour la démocratie européenne, a reproché à ce dernier de ne pas mentionner le rôle essentiel des collectivités locales et régionales.

Ce plan ne devrait pas être uniquement destiné aux élections européennes, il devrait également œuvrer en faveur de la démocratie à tous les niveaux, a-t-elle souligné.

Elle a par ailleurs évoqué l’importance de l’éducation à la démocratie, qui peut non seulement aider les démocraties à survivre, mais aussi les rendre plus fortes. Selon elle, il conviendrait également de soutenir davantage les ONG qui participent à la vérification des faits et à la lutte contre la désinformation.

Selon Domènec Ruiz Devesa, député espagnol au Parlement européen, le plan aurait pu être plus complet. Il ne tient pas compte de l’importance que revêtent l’éducation et de la formation sur l’UE en tant que meilleurs remèdes aux cyberattaques extérieures ou à la propagande contre la démocratie européenne.

C’est précisément en raison du manque de connaissances générales sur les origines de l’UE, ses valeurs ou ses compétences que l’euroscepticisme et l’europhobie se développent, a déclaré M. Ruiz Devesa, ajoutant que l’UE avait longtemps évité de prendre des mesures dans ce domaine.

 

3.L’importance ignorée du dialogue social.

Selon Julian Scola, de la Confédération européenne des syndicats (CES), le plan d’action pour la démocratie européenne propose de nombreuses actions utiles, qui sont dans l’ensemble les bienvenues, mais il ne permet pas d’aborder de manière plus approfondie certaines questions problématiques.

Ce plan ne vient pas s’ajouter à un programme adéquat pour la sauvegarde de la démocratie en Europe, loin de là, a affirmé M. Scola, soulignant qu’il ne reconnaissait pas l’importance cruciale du dialogue social pour la stabilité de toute démocratie.

Trop de travailleurs, y compris dans le secteur public, ne sont toujours pas en mesure de s’affilier à des syndicats, de négocier collectivement ou de bénéficier du droit de grève. Et le droit à l’information et à la consultation est souvent bafoué, a averti M. Scola.

 

4.Un plan attendu de longue date pour garantir la sécurité des journalistes.

Renate Schroeder, directrice de la Fédération européenne des journalistes, a salué l’initiative de la Commission de lancer le plan, en soulignant qu’il était attendu depuis longtemps, compte tenu notamment de l’évolution inquiétante de la liberté des médias sur le terrain, qui connaît un affaiblissement depuis un certain temps.

Aujourd’hui, dans toute l’Europe, nous sommes confrontés à d’immenses défis dans le domaine du journalisme. C’est comme un cancer à la progression horizontale, car de plus en plus de responsables politiques, mais aussi des citoyens, attaquent des journalistes lors des manifestations et des protestations. Dans le même temps, les théories du complot et la désinformation ont le vent en poupe, a déclaré Mme Schroeder.

Selon les chiffres qu’elle a présentés lors de l’audition, 2020 a été une année record en ce qui concerne les attaques commises contre des journalistes. La plateforme Media Freedom Rapid Response (mesures rapides en faveur de la liberté des médias) qui est chargée de recenser les violations de la liberté de la presse et des médias dans l’UE et dans les pays candidats, a enregistré 245 alertes, avec 873 attaques contre des journalistes et des professionnels des médias dans 22 États membres de l’UE. Près d’un incident sur quatre a donné lieu à des agressions physiques.

Mme Schroeder a indiqué que pour être couronnées de succès, les actions relatives aux médias contenues dans le plan, telles que la recommandation sur la sécurité des journalistes, doivent être résolument soutenues au plus haut niveau dans les États membres, et que les gouvernements doivent s’engager à reconnaître à la liberté des médias et à la protection des journalistes une importance bien plus grande parmi les priorités nationales.

Un exemple des effets néfastes de la désinformation sur les entreprises a été donné par Todor Ivanov, secrétaire général d’Euro Coop, dont l’organisation rassemble quelque 7 000 coopératives locales de consommateurs.

Il a déclaré que la mauvaise image dont souffrent les coopératives est une séquelle du passé communiste qui se traduit par un faible attrait des consommateurs et même par la mise en place de certains obstacles législatifs dus aux préjugés «communistes».

«Je tiens à réaffirmer la nécessité d’allégations fondées sur des faits, ainsi que de l’éducation et de l’information des consommateurs», a-t-il souligné.

Flavio Grazian, du Service d’action des citoyens européens (ECAS), a déclaré que certaines propositions du plan, telles que le renforcement de l’éducation aux médias, pourraient être plus difficiles à mettre en œuvre dans la pratique.

Il s’est félicité que le document reconnaisse la transformation numérique de la société et a déclaré que les propositions du plan d’action concernant la lutte contre la désinformation devraient être mises en œuvre conformément à la législation sur les services numériques.

 

5.Contexte

Le plan d’action pour la démocratie européenne présente des projets de nouvelle législation sur la publicité politique, des règles révisées concernant le financement des partis politiques européens, une recommandation sur la sécurité des journalistes et une initiative visant à lutter contre le recours abusif aux actions en justice contre la participation du public. Un nouvel Instrument de surveillance de la propriété des médias est également en préparation, ainsi que des dispositions permettant d’imposer des coûts à ceux qui propagent la désinformation, au titre de la panoplie améliorée de mesures de l’UE visant à lutter contre les ingérences étrangères.

Le plan d’action pour la démocratie européenne est l’une des priorités du programme de travail de la Commission pour 2020 et s’inscrit dans un ensemble d’initiatives de la Commission visant à donner un nouvel élan à l’Europe pour relever les défis de l’ère numérique. Cet ensemble d’initiatives comprend le nouveau mécanisme de protection de l’état de droit, la nouvelle stratégie visant à renforcer l’application de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le plan d’action pour les médias et l’audiovisuel.

Cette audition alimentera l’avis du CESE sur le plan d’action pour la démocratie, qui sera examiné et mis aux voix lors de la session plénière de juin.

 (1) Source: CESE.